Le laboratoire Polymères Composites et Hybrides (PCH), le Laboratoire de Mécanique et Génie Civil (LMGC) et l'entreprise Conception et Fabrication d’Outillages (CFO, basée à Ribaute-les Tavernes) ont entamé une collaboration de conception d’échantillons sur mesure pour mettre en place des expériences visant à comprendre l'écoulement et la stabilité des milieux granulaires formés d'entités fortement concaves. Ce travail s’inscrit dans le projet ANR MicroGraM (https://anr.fr/Projet-ANR-20-CE92-0009) dont le LMGC est porteur.
Les milieux granulaires sont constitués d’un grand nombre de différents éléments solides indépendants, assimilables à des grains, qui interagissent entre eux par des interactions mécaniques simples. Par exemple, un mur en pierre sèche, un tas de sable, un silo de blé, les accrétions formant un astéroïde, ou encore une boîte de pilules : tous ces éléments sont des milieux granulaires et d'un point de vue scientifique peuvent être étudiés de la même manière. Comme l’explique Jonathan Barés (LMGC) : « 80 % de la surface de notre planète est recouverte de milieux granulaires. Ils sont omniprésents dans notre quotidien le plus simple (verser son paquet de céréales le matin, utiliser un sablier, faire un château de sable...) comme dans les défis technologiques les plus pointus et les plus urgents (stabiliser l’érosion côtière, prévenir les avalanches, se déplacer dans le désert, attraper un astéroïde...). La compréhension du comportement mécanique de ces milieux est donc primordiale. »
Pour produire les éléments servant à recréer ces milieux granulaires, Benjamin Gallard (PCH), Sylvain Buonomo (PCH) et Arnaud Regazzi (LMGC) ont produit plusieurs milliers de pièces au sein d’IMT Mines Alès, via deux procédés distincts : le moulage par injection plastique et l’impression 3D. Les pièces produites par injection plastique ont pu être réalisées grâce à un moule unique, créé spécifiquement pour ce projet par Christian Barberis (CFO outillages), qui a ensuite été monté sur une des presses du laboratoire. Ce procédé a permis de réaliser plusieurs familles de milieux granulaires avec des paramètres différents (particules plus ou moins concaves, matériaux plus ou moins glissants, plus ou moins rigides, etc.). La précision demandée pour la réalisation de ces pièces a été un véritable défi pour l’équipe : « Ce fut une démarche qui a été très instructive pour ma part et qui a permis de mettre à profit nos compétences techniques de plasturgie. », précise Benjamin Gallard. « C’est un vrai avantage d’avoir un fournisseur local, on a dû avoir beaucoup d’échanges et cela nous a permis d’être réactifs », complète Sylvain Buonomo. Le procédé de fabrication additive, plus chronophage, a permis de réaliser des pièces aux formes plus élaborées, qui n’étaient pas réalisables par injection. Une première également pour Arnaud Regazzi : « C’est la première fois qu’on imprimait autant d’éléments simultanément. Il a fallu redéfinir le flux de travail d’impression 3D de façon à s’adapter à la demande. »
Les pièces produites ont ensuite servi à plusieurs expériences qui ont permis d’étudier ces matériaux en phase solide (pièces agrégées en colonnes) et en phase liquide (pièces glissant les unes sur les autres, comme le sable dans un sablier par exemple). C’est le comportement mécanique de ces pièces qui intéresse Jonathan Barés (LMGC) : « la connaissance des milieux granulaires a grandement progressé au cours des 40 dernières années. On connaît par exemple très bien aujourd'hui les propriétés d'écoulement de ces milieux (la manière dont se déplacent les grains) ou encore la transition entre un comportement en phase solide et un comportement en phase liquide, responsable des avalanches et tremblements de terre par exemple. Cependant la quasi-totalité des études se concentre sur des milieux formés de grains sphériques ou au moins convexes. Nous nous intéressons ici au comportement des milieux granulaires dont les entités constituantes sont fortement concaves, avec une forme très irrégulière. »
Si la compréhension de ce comportement est cruciale dans la prévention des phénomènes intenses de type avalanches ou tremblements de terre, ces expériences pourraient également engendrer de nombreuses possibilités dans le domaine du Génie Civil, car ces milieux peuvent être rapidement formés en structures verticales, arches ou murs remodelables à l'infini. Elles ouvrent donc la voie à un nouveau type de construction à la fois plus efficiente et plus écologique.