Le jury est composé de :
- Julian Alvarez, Professeur, Université de Lille, Rapporteur
- Nicolas Becu, Directeur de recherche, Université de La Rochelle, Rapporteur
- Audrey Morel Senatore, Docteure, Centre d’Etudes et de Recherches Interdisciplinaire sur la Sécurité Civile, Examinatrice
- Nathalie Zaccaï-Reyners, Professeur, Université libre de Bruxelles, Examinatrice
- Florian Tena-Chollet, Docteur, IMT Mines Alès, Examinateur
- Sophie Sauvagnargues, Professeur, IMT Mines Alès, Directrice de thèse
Résumé de la thèse :
L’objectif de la thèse est de valider la pertinence concrète d’un exercice de pensée consistant à lire les simulations de gestion de crise comme un jeu (Henriot 1983, 1989), et à identifier les manifestations ludiques et les leviers pour agir sur eux, à travers un protocole d’observation qui limite les risques de surimposer la catégorie mentale du jeu là où elle n’a pas sa place (Harviainen 2013). En effet, la capacité des jeux à servir une ambition pédagogique est bien établie (Winnicott 1975, Piaget 1945, Brougère 1995, Daniau 2005, Alvarez 2007, Hamayon 2012, 2015), et les simulations et les jeux sont désormais courants en matière de préparation à la gestion de crise. IMT Mines d’Alès développe depuis des années un simulateur pédagogique de cellule communale de gestion de crise (Tena-Chollet 2012, Lapierre 2016, Limousin 2017, Frealle 2018, Sauvagnargues et al. 2019). Pendant 2 à 6 heures, une dizaine de participants sont placés dans une situation de crise virtuelle et doivent recueillir des informations qui leur permettent de comprendre la situation et ses évolutions, prendre les décisions et délivrer des instructions à des opérateurs susceptibles d’agir sur le terrain, et ce, en résistant au stress, à la pression d’autorités supérieures et aux médias. Le parti-pris de la thèse est de cerner au mieux la nature ludique de la simulation de gestion de crise, malgré le fait que l’engagement des participants dans le jeu n’est pas totalement conscient (Huizinga 1938, Caillois 1958). Nous proposons le concept de ‘’ludicité’’, pour désigner les manifestations d’une attitude ludique (Henriot 1989) dans une situation qui n’est pas déclarée comme étant un jeu. Nous mettons au point un protocole d’observation de la ludicité mobilisant toute une palette d’instruments permettant d’observer ce qui se joue dans plusieurs simulations. La vidéo-analyse qualitative (Knoblauch 2012) des effusions émotionnelles (Goffman 1961) qui libèrent une tension entre la simulation et la réalité qui lui sert de modèle, y tient une place centrale en lien avec une typologie en vingt-six manifestations d’attitudes ludiques prévisibles (Franck 2012, Kapp 2013, Suits 2014, etc). L’analyse permet de confirmer que la ludicité se trouvebien dans les simulations elles-mêmes, et pas simplement dans le regard de l’observateur, et de valider la pertinence de la typologie proposée et l’efficacité du protocole mis au point. Elle met également en évidence des structures de l’espace-temps ludique ainsi que l’existence de fonctions ludiques activant la dynamique de jeu au sein de la mécanique de la simulation (Van Gennep 1909, Harviainen 2012). Elle explore enfin les émotions éprouvées (Pelissolo 2007), notamment les plaisirs ludiques et ce que les joueurs mettent en jeu durant la simulation, entre engagement et distance (Mermet & Zaccaï-Reyners 2015), entre ludicité et lucidité. A l’issue de ce travail, les limites du protocole d’observation sont discutées, et les moyens d'activer les cadres ludiques de la simulation (Lieberoth 2015) sans dénaturer la simulation sont envisagés.